Un jardin aquatique exotique… rustique !

Vous avez toujours rêvé de vivre comme Robinson ou ça vous aurait branché d’être Tarzan ? Jetez-vous à l’eau et vivez enfin votre rêve en transformant votre jardin de banlieue (ou une partie seulement) en jungle tropicale ! C’est tout à fait à votre portée avec juste un peu de savoir-faire et d’imagination. Et la présence de l’eau dans ce tableau exotique contribuera grandement à rendre votre projet encore plus convaincant et spectaculaire.

Un décor plus vrai que nature

La réalité du terrain n’est pas toujours extraordinaire, même sous les tropiques ! Et la végétation de ces régions lointaines et chaudes peut parfois être assez banale d’un point de vue esthétique.

Notre goût prononcé pour les ambiances exotiques doit certainement plus au talent des peintres, cinéastes et paysagistes qui ont abondamment nourri notre imaginaire. Nous avons tous en tête les tableaux du Douanier Rousseau représentant une jungle idéalisée et exubérante. C’est dans ce sens qu’il faut aller pour créer un décor  qui étonnera vos amis et émerveillera vos enfants.

Vous pouvez comme au cinéma, créer un décor très évocateur, plus vrai que nature. Et c’est réalisable même si vous résidez dans une région aux hivers rigoureux. Car parmi les plantes aux silhouettes les plus exotiques, certaines sont capables de résister à des températures négatives jusqu’à -24°C. D’autres, moins rustiques, supportent malgré tout nos hivers tempérés si on sait comment les protéger convenablement du vent et de l’humidité.

Privilégier les espèces au feuillage typé et spectaculaire

Ce qui compte avant tout, c’est de réussir à composer un tableau exotique vivant, grâce à de belles associations de formes et de couleurs.

Choisissez des végétaux aux feuillages amples, décoratifs et structurés. Associez les en jouant sur les contrastes des formes et sur les différentes nuances de vert. Recherchez en priorité les formes les plus spectaculaires, comme les palmiers (Chamaerops humilis, Butia capita et Jubea spectabilis, rustiques jusqu’à – 15 °C) et les papyrus rustiques. Si vous disposez de suffisamment de place, utilisez les plantes à feuilles géantes comme la Gunnera manicata, l’Heracleum mantegazzianum, le Macleaya cordata.

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À Ambiance chaude et tropicale, sur fond de Phormium à feuilles pointues et de palmiers nains. Ici, Chamaerops humilis et Sabal minor, rustiques respectivement jusqu’à – 12’C et – 18 ‘C. Les lentilles d’eau (Lemna minor) et les potamots (Potamogeton natans) ont colonisé le ruisseau bordé de sagine et de laiches. Le rouge flamboyant des fleurs du Lobelia cardinalis apporte une note colorée tonique à ce décor verdoyant.

Pour donner une impression de jungle touffue toute l’année, choisissez une majorité d’espèces à feuillage persistant (Magnolia grandiflora, Choysia ternata, Bergenia, Yucca filamentosa, Phormium, Aucuba japonica) ou semi-persistant comme les graminées d’ornement (Elymus, Miscanthus, Phalaris, Arundo donax, Phragmites commun, Zizania latifolia, Cortaderia). Les bambous offrent un choix important d’espèces parfaitement rustiques jusqu’à – 22 ‘C. Leurs feuillages élégants et leurs tiges colorées constituent un large éventail une de formes et de couleurs.

Ajoutez une note de fantaisie au fil des saisons avec quelques fleurs choisies pour leur beauté exubérante : lysichitons d’Amérique, cannas, arums, ricin, kniphofias. Des arbres d’ornement peuvent compléter ce tableau en masquant l’arrière plan pour que l’illusion soit plus parfaite : Catalpa, Paulownia, Rhus typhina, Salix matsudana, Albizzia julibrissin.

Un bassin d’aspect parfaitement naturel

Pour que l’illusion soit parfaite, la forme du bassin doit être aussi naturelle que possible. Les rives seront entièrement cachées par de grosses pierres, des plantes couvre-sol et des feuillages persistants. On peut aussi aménager une rive couverte de sable et de galets.

Quelques éléments évocateurs pourront compléter la scène : une branche d’arbre mort posée au bord de l’eau, un petit pont en bambous ou de cordages, un groupe de rochers soigneusement choisis. Ce sera un terrain de jeux idéal pour des tortues d’eau et des batraciens si le climat le permet et à condition que le bassin soit adapté à leurs besoins spécifiques.

Photo d’ouverture : d’importantes touffes de bambous suffisent à donner un air de jungle à ce bassin informel, bordé de laîches et de fougères. Ici, on reconnaît les larges feuilles de Arundinaria tessellata et Pseudosasa japonica, deux espèces rustiques, la première jusqu’à – 18 ‘C, la seconde jusqu’à – 24 ‘C.

Cascades et ruisseaux créent de l’enchantement

Lorsque le bassin est peuplé de multiples animaux, il est préférable de faire circuler l’eau  en circuit fermé afin de la filtrer et de l’oxygéner. On joindra l’agréable à l’utile en associant ce dispositif à la création de cascades et ruisseaux. C’est l’occasion de mettre en scène l’élément aquatique en ajoutant un fond sonore et du mouvement à votre décor. Idéalement, le débit des cascades doit pouvoir se régler à volonté, de façon à ne pas troubler la quiétude du lieu. Même dans un tout petit bassin, un simple filet d’eau suffit à animer l’espace et à transformer l’atmosphère d’un jardin.

Il suffit que le terrain à proximité du bassin ait une légère pente (de 2 à 5 cm par mètre) pour créer un ruisseau, tandis qu’une pente plus accentuée se prêtera davantage à la création d’une ou plusieurs cascades.
Si votre terrain est parfaitement plat, vous pouvez utiliser divers artifices pour créer un dénivelé, mais cela demande d’être fait avec soin si l’on veut éviter le côté trop artificiel qui se voit au premier coup d’œil. Vous pouvez ajouter une épaisseur de terre bien tassée sur une assez grande surface, ou bien créer une petite colline qui servira de point de départ au ruisseau. Créez plusieurs monticules en pente douce et de différentes tailles, entre lesquels le ruisseau pourra se frayer un chemin naturellement. L’effet sera meilleur si le tracé entier du ruisseau ne peut être embrassé d’un seul regard, ce qui donnera un peu de mystère à la scène. Veillez à ce que les dimen­sions du ruisseau et de la cascade soient bien proportionnées par rapport à la taille du jardin.

Pour que l’eau circule on doit placer une pompe immergée dans le bassin de réception (point le plus bas) qui refoulera l’eau vers la source du ruisseau (point le plus haut). La puissance de la pompe sera choisie en fonction du dénivelé du terrain, de la distance entre le lieu de pompage et la sortie, ainsi que du débit souhaité. Il est préférable de prévoir un débit un peu plus grand que nécessaire pour un usage intensif. Prévoyez également un compensateur de niveau dans le bassin car le volume d’eau circulant dans le ruisseau et les cascades doit pouvoir être compensé par un apport d’eau équivalent dans le bassin. Les pertes par évaporation sont aussi plus importantes quand l’eau circule ainsi.

Le matériau utilisé pour construire une cascade détermine à la fois son esthétique, son débit et sa sonorité. Dans cette compo­sition stylisée, les cascades ont été réalisées à l’aide de plaques de métal galvanisé. On crée ainsi un mince voile d’eau dont l’aspect épuré et maîtrisé s’harmonise avec la forme géométrique des bassins et le port érigé des touffes d’Acarus calamus.

La présence des plantes aquatiques (iris et caltha des marais, hostas) et de pierres dans le cours d’un ruisseau permet d’en modeler le profil et le caractère.

Les rives de ce ruisseau sont constituées de galets. Ceux-ci sont soigneusement appareillés et scellés au mortier de manière à prévenir toute érosion des berges.

Les origines du jardin aquatique dans la tradition orientale

Depuis plus de 1 500 ans, les Japonais ont démontré leur profonde compréhension du paysage naturel. De cette perception sensible de la beauté intime de la nature où l’eau occupe une position centrale, est né un art véritable. Cette tradition a sans cesse évolué et, de nos jours encore, elle influence de nombreux créateurs de jardins dans le monde entier.

Les textes anciens concernant l’art des jardins révèlent l’existence au Japon, vers l’an 550 de notre ère, les premiers « jardins à étang ». On aimait s’y promener en barque, tout en nourrissant les poissons et les oiseaux.

Cette tradition, originaire de Chine, fut renforcée par les nombreux échanges culturels et commerciaux qui rapprochèrent ces deux pays. En l’an 612, l’impératrice Suiko-Tennô transforma le jardin de son palais en faisant creuser un étang. Celui-ci était traversé par un pont de style chinois, en bois avec un parapet laqué rouge. À cette époque, le Japon s’ouvrit aussi au bouddhisme, dont les conceptions allaient influencer profondément l’art des jardins.

Le jardin paysage

Le respect instinctif des Japonais pour la nature, leur admiration pour le spectacle quotidien du paysage naturel (si particulier dans l’archipel japonais) donnèrent naissance à un style de jardin où prennent place collines, rochers et ruisseaux, aussi bien que les lacs et leurs îles.

Cette représentation à échelle réduite et en trois dimensions d’un paysage, réel ou imaginaire, offre au regard et à la contemplation une parcelle de nature universelle. Les matériaux sont empruntés à la nature et sont agencés suivant ses règles propres. L’eau en est l’élément principal. Le jardin s’organise le plus souvent autour d’un étang figurant un lac ou la mer, parsemé d’Îles, et alimenté par un ruisseau au cours sinueux et accidenté. Même dans un jardin paysager sec, l’eau joue ce rôle de premier plan, figurée par une étendue de sable évoquant un étang, ou par des pierres rangées côte à côte, dessinant le cours tumultueux d’une rivière.

Isolés ou bien encore disposés en groupes expressifs, les rochers jouent un rôle esthétique important. Leur position est minutieusement choisie de façon à créer une montagne abrupte, un pont ou encore les cascades d’un ruisseau. Utilisés pour consolider les berges d’un étang, ils évoquent une côte rocheuse sauvage, bordée par quelques Îlots. Le relief du terrain est modelé de manière à créer des collines artificielles recouvertes de gazon, parfois hérissées de roches leur donnant la silhouette de véritables montagnes.

Le symbolisme religieux

Introduit au Japon vers 550 par l’empereur Kimmei-Tennô, le bouddhisme renforça davantage encore le concept du jardin paysage en apportant sa représentation du paradis, qui n’était autre qu’une île au centre d’un étang : « Bouddha trônait sur une terrasse au-dessus d’un étang aux lotus ».

Cette évocation du jardin paradisiaque ne pouvait que favoriser l’épanouissement de ce type de jardins, qui devint peu à peu un lieu d’accomplissement des rites religieux. Elle influença fortement l’évolution du jardin japonais dont la disposition devenait la manifestation sur terre du Pays pur de l’Ouest, comme en témoigne cette description : « la montagne la plus haute du monde se dresse au-dessus des sphères de la terre, de l’eau et du vent. Sur les versants de la montagne habitent les quatre rois du ciel, et à son pied on voit neuf montagnes et, entre elles, huit mers avec à leur extrémité des îles ».

Ainsi, la vision bouddhiste d’un jardin paradisiaque et aquatique venait-elle enrichir, par son symbolisme et par sa mythologie, l’art de la composition du jardin japonais.

Dès ses origines, l’art du jardin japonais montrait un sens du naturel et de l’harmonie universelle qui annonçait nos aspirations contemporaines. Plus que par l’imitation formelle ou la recherche de l’exactitude historique, c’est à travers notre propre sensibilité, à l’écoute attentive de la nature, que nous percevons le mieux ce que doit être un jardin japonais authentique…